Seules la lune et les étoiles assistèrent à la scène. Dans les bois, sous les pas de l'ombre qui les traversaient, aucune branche ne craquait. On voyait qu'elle cherchait attentivement quelque chose. Ou quelqu'un.
- Hmpf !
S'arrêtant, l'ombre avait enfoncé son pied dans un corps étendu par terre, endormi. Du moins, avait-il été endormi.
- Ah, c'est pas possible ! Keylah, tu ne peux donc pas faire attention ? Je te pré...
La lame d'un poignard se plaça sous sa gorge. Un rayon de lune éclaira cet endroit précis, comme pour souligner l'importance du moment. Un sourire éclaira le visage de l'ombre.
- Toi... La seule et unique personne qui connaît la cachette de Celle aux Yeux d'Aurore... Quelle idée stupide de dormir ici...
- Qui... qui êtes-vous ?, balbutia celui qui venait de se faire réveiller, un peu étourdi par cette brutale sortie du sommeil.
- Moi ? Rien de plus que celui qui cherche. Enfin... maintenant que je t'ai trouvé, ce serait plus exactement, celui qui cherchait, susurra l'inconnu. Alors... Dis-moi.
L'agressé se demanda quelle folie l'avait prise de vouloir dormir à terre. L'autre appuya un peu plus la lame. Il ne disait toujours rien. Son cerveau tournait à pleine vitesse. Cet inconnu le tuerait, quoi qu'il advienne. Et de nuit, loin des villages alentours, crier ne servirait à rien. De toute façon, il se doutait que son adversaire devait être quelqu'un de rapide. Assez rapide pour lui trancher la gorge avant qu'il ne finisse de crier "À l'aide !". Et dans cette position, il serait le perdant d'un combat inutile.
- Vas-y, tue-moi... Et tu ne sauras jamais. Parce que je ne dirais rien et que tu devras me tuer quand même. Pousse-moi à bout si tu le veux, déclara la victime avec un regain d'assurance. Je n'ai pas peur de la mort.
L'inconnu poussa un grognement de frustration. Deux solutions s'offraient à lui : le tuer maintenant, auquel cas il perdrait la seule personne capable de lui fournir l'information dont il avait besoin, ou le torturer jusqu'à ce qu'il avoue, ce qui le forcerait à trouver un endroit où cacher cet abruti au plus vite, à faire en sorte qu'il ne puisse pas s'échapper, et qu'il avoue le plus rapidement possible, pour pouvoir le tuer dans le plus court délai. Il se dit qu'il s'y était mal, très mal pris. Comme souvent, il agissait, et réfléchissait ensuite. Comment le transporter vers un lieu sûr qu'il ne connaissait même pas, sans pouvoir faire autre chose que le tuer s'il tentait de lui échapper ? Il faut dire qu'il n'était pas un de ces solides gaillards que tout le monde préférait avoir par la ruse. Il n'était pas de ceux qui avaient fait leurs preuves. Il était quelqu'un, juste quelqu'un.
De dépit, il enfonça la lame de son poignard dans la gorge de sa victime, lui déchirant ainsi l'oesophage. Au moins, il agoniserait quelque minutes. Piètre satisfaction, surtout qu'il venait de perdre la seule personne pouvant lui fournir le renseignement qu'il voulait depuis quelques temps déjà. Il haussa les épaules. Il fouillerait chaque centimètre carré du continent. Il trouverait Celle aux Yeux d'Aurore. Et il n'abandonnerait pas, même si cela devait lui prendre le temps de sa vie.
Dans la forêt, sous les pâles rayons de lune, une vie s'échappait lentement, comme en témoignait la flaque de sang s'agrandissant sur le sol, que la terre, aspirait doucement. Seule un souffle rauque se faisait entendre. Un râle qui s'amenuisa. Se tut.