Notre vieux chat ...

Je vois Mat' qui marche sur un chemin de campagne, des champs fauchés autour de lui. Plus loin, vers la droite, une forêt se dessine. Il marche d'un pas sûr, calme, sous le ciel gris et la chaleur étouffante. C'est orageux. Mat' s'ébroue dans une petite ruade, puis repart d'un pas encore plus déterminé. Il sait où il va, maintenant c'est sûr. Il connaît l'endroit. Ses épaules roulent beaucoup lorsqu'il marche, je ne sais pas trop si c'est la vieillesse ou à force de marcher qui lui donne un pas dodelinant. De loin, son pelage à l'air bien fourni, il y ferait bon d'y mettre ses mains hihi.
Lorsque je reviens, il a longé le chemin et marche sur l'humus fraîche à l'orée de la forêt. Puis, comme s'il avait déjà fait le chemin mille fois, il saute sur un arbre et se couche sur une branche basse, et observe l'environ.

Je décide de l'occasion pour lui dire bonjour. Il tourne alors la tête brusquement, les yeux écarquillés, mais pas effrayé ( apparemment ce n'est pas moi qu'il attendait vu sa petite tête surprise hihi). Il accepte de me parler, puis descend de son arbre la tête en bas, les griffes plantées fermement dans l'écorce, à petits pas sûrs. En quelques petits bonds, ils est près de moi, les yeux plantés dans les miens. Je m'accroupis pour lui parler alors qu'il se passe la patte derrière l'oreille. Mat à toujours sa tête surprise, mi-chemin avec la curiosité qui le dévore. Je me présente et lui dit que je viens de ta part. Il relâche ses épaules et soupire doucement, répondant à un petit «Oh ! Encore.». C'est marrant comme chaque animal à une sonorité de voix différente. La sienne est faible, comme un murmure, qui met d'ailleurs dans une certaines confiance, tellement qu'on aimerait se pencher pour sentir son souffle chaud.

«Dis moi tout.» Pour comment il va, il comprend la question par rapport à son age vieillissant. Il dit que la jeunesse doit à un moment donner sa place pour la vieillesse, que chacun à le droit à sa part. Son corps, dit-il, est comme la Nature, il finit toujours par flétrir. D'ailleurs il ne lui fait pas mal, car marcher lui fait du bien. Cela débloque ses articulations, il me dit qu'il serait rouillé à force de rester dans son panier, chez toi/lui. Je comprends que marcher lui fait le plus grand bien.Il me regarde intensément de ses yeux foncés qui semblent passer au peigne fin mes pensées. Je sais qu'il à ses habitudes. Il sait où partir, et s'il arrive qu'il se perde, c'est quand il fait l'idiot. Voilà déjà une demi-réponse à ses "fugues". Il me montre ta maison, vu du jardin. Il y a une petite terrasse avec des chaises et une table, et l'extérieur est séparé par une baie vitrée de l'intérieur.
Il me dit que se balader l'aide à combattre la vieillesse et l'ennui. Il se réjouit d'avoir encore un bon nez comme quand il était chaton, dit-il en relevant la truffe et en semblant de sentir, qu'il pourrait trouver un chat ou un gros mulot à la ronde.
Puis je lui demande s'il a peur de vieillir. «Je n'aurais pas peur tant que je saurais encore marcher». Il dit qu'il attend quelqu'un mais que je ne le dérange pas car elle vient plus tard, lorsque les étoiles sont levées. Je vois alors une image, celle de lui, penché sur sa branche, les yeux arrondis, et une chatte tigrée, le nez en l'air vers lui, les étoiles dans le ciel. Elle à l'air de beaucoup compté pour lui.
La réponse pour ses "fugues" : Ce n'était pas réellement ça. Il explique : Il appartient à la Nature, de là d'où il vient. Il a besoin de respirer un autre air, de fouler une autre terre. Il n'aime pas rester là où il connait déjà tout par cœur. Ça l'ennui. Et c'est l'ennui qui le tue à petit feu. Je vois un flot d'image, un torrent de sensations plus fortes les unes que les autres : des images de champs qui partent jusqu'à l'horizon sur un soleil couchant, des collines verdoyantes et fleuries, de forêt épaisses et vertes ou oranges. Puis d'oiseaux et d'animaux nouveaux, l'émerveillement de découvrir les Autres. Ses pas le guide jusqu'à la source qui le fait vivre. C'est là-bas, dans le lointain, qu'il a éprouvé ses vraies et première sensations : ses peurs en croisant une grande bête à corne, qui ressemble vaguement à l'âne qu'il connait (?), sa curiosité devant les premières neiges qui craquent et gèlent les coussinets sous les pas, l'eau gelée du ruisseau, le vent qui souffle sur ses poils la nuit, bercée par la lumière des étoiles. Et ces milles autres couleurs, le blanc en hiver, le feu en automne, le vert en été, les fleurs au printemps. Il me semble qu'il n'est pas né chez nous, j'aurais pensé d'une mère semi-sauvage, qui abandonnée à leur sort mette bas dans la forêt, ce qui expliquerait ceci. Il attache une profonde affection et beaucoup de respect au monde qui l'entoure, en souhaitant même mourir sur la mousse moelleuse qui pousse entre les racines des arbres. Il ne veut pas que tu restes triste lorsqu'il partira très très longtemps, et te prie de ne pas lui en vouloir d'aimer ses Racines plus que sa maison. Il se sent libre comme ça. Plus jeune. Chat. Il se sent lui. Il n'est pas toujours seul. Parfois, dit-il, quelques "traînards"-comme il les appelle sans méchanceté-partent avec lui dans ses escapades. Il les ramasse dans la rue. D'ailleurs je vois et sens qu'il évite les villes. Et les hommes (il a raison   ). Il me parle alors de la chatte tigrée avec qui il s'est lié d'amitié, celle qui prend la forêt pour son terrain de chasse. Ses Gardiens l'a laisse partir le soir, explique-t-il. Je revoie une image d'eux deux, Mat frottant sa tête contre le menton de "Prune", apparemment. Mais ça, dit-il, on s'en fout un peu.

«Je pourrais te donner des noms toute la nuit, comme ça, avec celui de ma gardienne. C'est aussi mon amie, dit-il, les yeux grands ouverts vers moi, une sincérité et un faiblesse incroyable sur ses yeux brillants. Je vois qu'elle se forge une à une des plumes pour pouvoir voler. Elle grandit à vue d’œil, et je ne m'inquiète en aucun cas pour elle. Qu'elle n'ai pas peur de venir vers moi (je te vois hésitante), je suis peut-être vieux mais mes os tiendront les caresses. Je sens qu'il les aimes bien sur le front, au milieu. Il fait frétiller ses moustaches et reprend. C'est une jeune fille téméraire, mais attention, car cela peut-être bien un défaut comme une qualité. Je l'a respecte car elle a brisé tous les liens qui l’embarrassait, seule. Je l'a respecte car c'est mon amie, tout simplement. Je pense qu'elle doit prendre son temps. Apporter plus d'eau au ruisseau ne le fera pas couler plus vite. Bientôt, elle pourra voler de ses propres ailes, mais elle ne doit pas oublier que sans deux bonnes et fortes ailes, on ne foule que la Terre. Je souhaite qu'elle touche les étoiles, elle le mérite. C'est à elle de patienter encore un peu, c'est une véritable boule de nerf. Elle veut changer le Monde, mais elle doit déjà se trouver elle même. »

Je lui dis que tu t'inquiètes tout de même de ses absences. Il dit qu'il prendra le chemin du retour bientôt. Il finit alors : «Que ton cœur guide tes pas là où il laisse ses empreintes»
Je le remercie et on se quitte, lui retournant à sa branche.    

Ta CA est vraiment magnifique Manon ! Je n'ai rien à redire dessus ..! Nous avons trouvé Mat en 2004 dans notre poulailler. Tu as dû voir la maison du jardin car quand il est là ; il reste au jardin et reste avec mes lapins aux clapiers. (Il n'y a pas de baie vitrée) Il est adorable de penser cela de moi ! Promis ; quand il rentrera, je lui montrerai tout mon amour et je le gaterai !! Grâce à toi, je comprend mieux pourquoi il part. Finalement, c'est plutôt cool s'il part trainer avec ses copains ! Je n'ai jamais vu Prune, peut être qu'il l'amènera à la maison un jour pour nous la présenter ! ^^ Nous avons des chats tigrés mais c'est 3 jeunes (Mimi et ses deux bébés Lisa et Léon). Il a donné une très belle leçon de vie !
J'espère donc qu'il rentrera dans les semaines à venir ! Un grand MERCI pour ta superbe CA !